Essai historique sur la Famille du Pays de France
On trouve trace du regroupement en Famille des compagnies d’Arc à partir du XIXme siècle, probablement pour garder la Tradition uniformément sur un même territoire, car la transmission orale peut amener rapidement à des dérives malgré les statuts et règlements généraux édictés en 1733 par Henry Charles Arnauld de Pomponne puis en 1863 par le docteur Denonvilliers de la compagnie impériale de Paris, pour la Famille de Paris.
En 1925, le Chevalier René Lenoir, greffier de la Compagnie d’Ivors, dans l’Oise édite un annuaire détaillé des compagnies d’arc de l’époque. Il dresse un historique de chacune de ces compagnies en fonction des documents ou informations qui lui ont été transmis. L’annuaire dénombre 330 compagnies dans les départements de l’Aisne (81), l’Oise (141), la Seine (29), la Seine-et-Marne (35), la Seine-et-Oise (20) et la Somme (24).
Octave Jay, dans sa préface de l’annuaire, nous dit « qu’avant 1898, n’existaient que des groupements restreints, à caractère étroitement régional : les Rondes de l’Aisne, de l’Oise et de la Somme, formées exclusivement en vue de l’organisation de leurs Bouquets provinciaux. Dans la région de Paris et banlieue : la Famille de Paris, la Famille de Vincennes, la Famille de Beauté (Nogent-sur-Marne), qui ont successivement disparu, et, en Seine-et-Marne, la Famille de la Brie, formée plus tard et qui groupe actuellement une dizaine de Compagnies ».
Les Familles sont constituées de Compagnies qui ont à la fois un lien géographique mais également un lien d'amitié et de fraternité voire d'affinité. Ceci explique qu’Issy-les-Moulineaux et Ermont soient dans la même Famille.
L’actuelle Famille du Pays de France a été fondée en 1989 par des Chevaliers dont certains sont issus de compagnies ayant appartenu à la Famille de la Banlieue Nord de Seine-et-Oise aujourd'hui disparue.
La Famille de la Banlieue Nord de Seine et Oise naît en 1927. On en trouve trace dans le 1er registre de la Cie d’Arc du Stade Olympique d’Ermont dans le compte-rendu de sa réunion trimestrielle du 11 décembre 1927, page 21 : « Le Capitaine rend compte de la formation et de l’adhésion à la Famille des Compagnies d’Arc de la Banlieue Nord de Seine et Oise ». Le 1er président en est Paul Bertholle de Villiers-le-Bel et le Capitaine Sohier de Saint-Ouen l’Aumône président d’Honneur.
En 1928, les Chevaliers Lussier et Gimas d’Ermont sont délégués au Conseil Supérieur de la Famille.
Registre de la Cie d’Ermont, 11 décembre 1927 |
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Au cours de son existence, la Famille fut composée en moyenne d’une dizaine de compagnies par an, dont Ermont, Montmagny-Deuil, Villiers-le-Bel et Montmorency (Centre et 2me avant la fusion au début des années 60) ont été les plus régulières.
Les autres Compagnies identifiées furent, par ordre alphabétique : Belleville, le Bourget, Conflans-Sainte-Honorine, Gonesse, Gouzangrez, Issy-les-Moulineaux, Louvres, Persan, Saint-Ouen l’Aumône, Sarcelles, Survilliers, Versailles, Viarmes.
La Famille organisait chaque année un Challenge fin juin ou début juillet, un Prix Familial et un Championnat de la Famille. Par ailleurs, chaque compagnie organisait son Prix Général d’avril à septembre en s’arrangeant pour qu’il n’y ait pas plus de deux Prix le même week-end.
Ermont organisa ainsi le 1er juillet 1928 le Challenge de la Famille et accueillit les compagnies de Louvres, Persan, Montmagny, 2me Montmorency, Gonesse, Villiers-le-Bel, Centre de Montmorency et Saint-Ouen l’Aumône.
Un tir individuel aux points et à la plus belle flèche, sur 15 haltes, était organisé le matin. L’après-midi, le challenge par équipe (doublé d’un prix spécial individuel imaginé pendant le déjeuner !) fut remporté par la Compagnie de Louvres[1] .
En 1937, le Challenge est organisé par Montmorency et remporté définitivement par Ermont.
La guerre interrompit les activités de la Famille. À partir de 1949, le challenge devint un challenge d’hiver, tout en conservant la Fête de la Famille en été.
Le format du challenge d’hiver est variable selon les années, mais il s’agit globalement de tir beursault en rognettes[2] : « Ces parties se sont disputées au coupage en 12 points et 2 parties, la belle s’il y a lieu […]. ». Il y avait deux manches et une finale, mais dans ce système toutes les compagnies ne se rencontraient pas.
En 1956, la Famille ne compte plus que 8 compagnies, dont Issy-les-Moulineaux, Montmagny, 2me de Montmorency, Centre de Montmorency, Villiers le Bel, Persan, Le Bourget et Ermont et le président de la Famille est le Chevalier Henry Petron de Montmorency.
À partir de 1965, le règlement change (registre de la Cie d’Ermont) : « […] Rencontres du challenge d’hiver qui se feront maintenant en une seule manche, mais non éliminatoire, il sera donné 2 points à l’équipe gagnante de chaque manche et 1 point à l’équipe perdante, toutes les compagnies devant se rencontrer ».
Résultat du Challenge d’hiver en 1972 (registre de la Cie d’Ermont) |
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La Fête de la Famille (ou Championnat d’été) était au contraire beaucoup plus variable et ne se jouait pas forcément au beursault, en attestent les résultats des challenges « A » et « B » avec plus de 600 et 500 points par équipes, respectivement[3] .
Il y avait selon les éditions, un classement aux points hommes/femmes/jeunes, des challenges individuels (challenge des Vétérans remporté définitivement par le Chevalier Paul Verdier d’Ermont en 1959) et par équipe – jusqu’à 4 challenges par après-midi en 1958[4] ! Malheureusement, quasiment aucune des règles de jeux n’a été décrite dans les journaux ou les registres.
À travers la lecture de ces articles et comptes-rendus, l’on sent bien la fraternité dans la Famille, qui se retrouve également pour fêter la Saint-Sébastien, par exemple en 1965 au restaurant du stade d’Ermont avec 70 convives.
En 1969[5] , toujours au repas de la Saint-Sébastien, le Connétable Ahond d’Ermont fût remercié « d’avoir mis à la disposition de la famille nord un terrain d’entraînement aux longues distances […]. »
Cette même année, la Compagnie de Sarcelles organisait la Fête de la Famille, et Maurice Baberon d’Ermont (président de la Famille depuis 1961) demanda à chaque Compagnie une participation financière afin d’organiser au mieux le Championnat[6] .
Les Compagnies de Versailles et Belleville entrèrent en 1969, et en 1970 la Fête de la Famille réunit à Versailles les compagnies de Sarcelles, Montmagny, Montmorency, Villiers-le-Bel, Belleville, Le Bourget, Issy-les-Moulineaux et Ermont[7] .
Coupe du Challenge de la Famille, remporté par Issy-les-Moulineaux en 1967
La Famille dans les années 70 est composée de moins en moins de Compagnies – 6 seulement en 1975. Le 12 décembre de cette même année, le Comité Départemental du Val d’Oise fût créé.
En 1976, le challenge réunit 7 Compagnies : Sarcelles, Montmagny, Montmorency, Villiers-le-Bel, Gouzangrez, Viarmes et Ermont.
Après 1976, il n’est plus fait mention sur les registres d’Ermont de la « Famille de la Banlieue Nord », qui a existé pendant environ 50 ans.
Les comités départementaux ont été créés autour des années 75-80 et ont donc côtoyé les Familles existantes. Cela a bien fonctionné pour le Comité Départemental de Seine Saint-Denis issu de la Famille de Noisy-le-Sec[8] , les deux étant toujours liés de nos jours.
Comités et Familles sont restés indépendants, a priori en bonne coexistence, pour la Seine-et-Marne (Famille de la Brie) et le Val de Marne (Famille de Beauté).
L’impact du Comité départemental du Val d’Oise sur la Famille de la Banlieue Nord n’est pas connu à ce jour ; peut-être a-t-elle été intégrée en tant que Commission Tradition avant que son nom ne disparaisse.
Le souhait de recréer une Famille a abouti en 1989 à la Famille du Pays de France, composée des chevaliers des mêmes compagnies que la Famille de la Banlieue Nord de Seine-et-Oise.
Ce phénomène d’absence puis recréation est aussi observé au niveau régional : disparition de l’ancienne Ronde Mutuelle de Paris et de l’Île-de-France après 1977[9] , puis fondation de l’actuelle Ronde des Familles d’Île-de-France en 1992.
En Île-de-France, les familles regroupent des compagnies d’arc ou des chevaliers. Ainsi, nous trouvons les anciennes familles : Famille de Beauté (1859) et de Noisy-le-Sec (1863), et celles qui se sont récemment recréées : Famille de la Brie (1896, reformée en 1967), de L'Essonne (1981), du Pays de France (1989), des Yvelines (1976), des Parisii (1996) et de la Dhuys (2013).
L'ensemble de ces familles forme la Ronde des Familles d’Île de France (13 novembre 1992).
Merci à Jean-Michel Savary pour la consultation des journaux archivés à la Compagnie Saint-Pierre-Montmartre. Documents réunis par Alexandra Desrames d’Issy-les-Moulineaux et Jean-Marc Œconomos des Trois Lys et d’Ermont.